Ainsi naquit la Salle Pauline-Julien

Je vais vous raconter une belle histoire. Une histoire où les planètes se sont parfaitement alignées. Un vrai conte de fées!

Les fées, une bande de filles qui s’appellent Pauline, Louise, Diane, Pauline et Annie. Une histoire d’enfantement en cinq jours, sans douleur en plus, et le succès au bout du chemin!

 

Le premier jour : 2 décembre 1996

En 1995, Jean Garon, ministre de l’Éducation du Québec, mit au monde le collège Gérald Godin en faisant adopter le décret gouvernemental l’instituant. Juin 96, j’entrais en fonction comme directeur du collège Gérald-Godin, le dernier-né des cégeps, à être créé de toutes pièces dans la seule région où les francophones étaient en situation minoritaire au Québec. Mon premier réflexe a été d’aller rencontrer la communauté, précisément l’Association des francophones de l’Ouest-de-l’Île (AFOI), des Québécois qui avaient tant désiré et travaillé à la venue d’un cégep de langue française depuis plusieurs années. Rapidement, l’échange a passé du « Enfin! » au « Pourquoi pas, en plus, une institution culturelle?». Cela n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

Quelques semaines plus tard, le 2 décembre, la nouvelle ministre de l’Éducation, Pauline Marois, est venue dans l’Ouest-de-l’Île confirmer et relancer en conférence de presse la création du nouveau Collège. Elle en profita pour rappeler au Collège sa mission complémentaire de service à la vie culturelle francophone dans la région. À la suite de son intervention, j’en profitai pour enfoncer la porte entrouverte en déclarant que « Déjà, une salle de spectacle…peut être envisagée, dans ce volet » culturel de la mission du Collège. Ces quelques mots furent l’essentielle démarche, autre qu’administrative, du Collège auprès du Gouvernement du Québec pour doter le Collège d’une salle de spectacle.

De retour à Québec, Pauline Marois fit le nécessaire pour que cela advienne.

Dix ans plus tard, en 2006-2007, la citoyenne de l’île-Bizard, Pauline Marois, en congé de vie politique, offrit ses services à la Salle. Pendant une courte période, elle devint membre de son conseil d’administration. Puis, comme on le sait, elle retourna à la vie politique pour devenir en 2012, la première femme première ministre du Québec.

Si le collège Gérald-Godin a un « père », bien identifié, Jacques Parizeau, pour moi Pauline Marois est la « mère » de la Salle Pauline-Julien.

 

Le deuxième jour : 26 mars 1997

De retour à Québec, la ministre de l’Éducation ne tarda pas à faire part à sa collègue, la ministre de la Culture et des Communications (95-98) et ministre des Relations internationales du Québec (98-03), du souhait du Collège d’obtenir une salle de spectacles. Louise Beaudoin, cette Québécoise remarquablement visionnaire, n’a pas mis beaucoup de temps à en saisir la justification culturelle même en cette période d’austérité de son gouvernement.

Trois mois plus tard, le 26 mars, elle donnait l’autorisation au Collège d’aller de l’avant. C’était à la veille de l’engagement de professionnels par le Collège pour concevoir la construction du nouveau cégep. Ainsi la Salle a pu être parfaitement intégrée, lovée, au sein du Collège dès sa conception.

À la même époque, Louise Beaudoin, à titre de ministre d’État aux Relations internationales du Québec, travaillait activement à proposer et à convaincre l’UNESCO d’adopter ce qui devait devenir en 2005 la « Convention… sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ». L’histoire a retenu qu’elle fut la principale instigatrice de cette Convention. En matière d’action internationale, Louise Beaudoin, au nom du Québec, a puissamment contribué à faire faire ce grand pas à l’humanité en matière culturelle.

La Salle Pauline-Julien fut aussi la grande bénéficiaire de cette grande dame de la culture.

 

Le troisième jour : en avril 1997

La construction de la salle venait d’être autorisée par le ministère de la Culture, il fallait sans tarder se mettre au travail, notamment produire notre programme de besoins pour guider les professionnels (architecte, scénographe…) sur le point d’être retenus. Et préalablement, pour ce faire, consulter le milieu à desservir.

Le DG du Collège en avait déjà plein les bras, il lui fallait se trouver un consultant, un bras droit pour l’assister dans cette tâche. Quelqu’un me suggéra un nom, une consultante. Je la rencontre et lui offre aussitôt le mandat dès la première entrevue. C’était Diane Perreault! Une bénédiction des dieux comme chacun sait, connaissant la suite de l’histoire. Progressivement et rapidement son mandat s’est élargi jusqu’à oeuvrer à plein temps. Plusieurs mois plus tard, en 98-99, le CA du nouvel OBNL créé pour gérer la Salle nommait Diane Perreault directrice générale et artistique de la Salle Pauline-Julien. Cela démontre la grande confiance qui s’était construite au cours des mois précédents entre elle et moi ainsi qu’avec le conseil d’administration. Elle avait toutes les compétences nécessaires et partageait parfaitement la mission de la Salle.

Les quelque 20 ans qui ont suivi à la gouverne de la Salle l’ont plus que démontré. Toutes ces années d’enfantement jusqu’à l’atteinte de la maturité de la Salle, Diane en a été l’âme. Elle s’est entourée d’une équipe qui a travaillé d’une manière des plus soudées sous son leadeurship. Une vraie « équipe du tonnerre » ! Quelques années seulement après sa naissance, RIDEAU1 accordait à la salle Pauline-Julien le Prix de diffuseur de l’année 2005, et à nouveau en 2014! Puis en 2015, Diane Perreault recevait le Prix Reconnaissance lors de la soirée de clôture des Prix Rideau. Tout un hommage de la part de ses pairs! Plus récemment, en 2020, la Salle Pauline-Julien a reçu le Prix Rideau Partenariat.

 

Le quatrième jour : 1er octobre 1998

Décès de l’illustre Québécoise Pauline Julien.

Le Collège en pleine construction n’avait pas eu le temps de donner un nom à la Salle. Dès ce jour-là, le nom de Pauline Julien s’imposa à tous, spontanément et unanimement. Que d’appels ai-je reçus de collègues et de membres de la communauté ce même jour à ce sujet! Pauline Julien, à peine décédée, après avoir retrouvé l’amoureux de sa vie dans les cieux, ressuscitait, se réincarnait « dans son Collège » (j’emprunte les mots de la mère de Gérald Godin le 6 mars 2000, le jour de l’inauguration du Collège dans la Salle Pauline-Julien en construction)!

« La renarde et le mal peigné » étaient à nouveau réunis! Impossible de trouver un nom plus approprié : Pauline Julien, une femme libre, indépendante, fougueuse, victorieuse, sans trace aucune de colonisée, une femme d’avant-garde, un modèle pour toutes et tous!

La Salle venait de trouver en Pauline Julien « l’esprit » qui la guidera pour toujours!

 

Le cinquième jour : 1er février 2000

À la veille de l’ouverture au public de la Salle en 2000, Diane a dû se constituer une équipe en commençant par un adjoint. Elle proposa au conseil d’administration quelqu’un. J’ai eu le mandat comme président de rencontrer le candidat en entrevue et d’en rendre compte au CA. Cela eut lieu en début d’année, ce n’était nulle autre qu’Annie Dorion. Je fis rapport au CA et sans hésitation Annie fut nommée adjointe à la directrice. Vous connaissez la suite. Pendant une vingtaine d’années, elle joua ce rôle avec brio.

En 2018, Diane partit à la retraite. Après avoir traversé toutes les étapes de sélection, le Conseil nomma Annie directrice générale et artistique. Annie a une expérience exceptionnelle pour exercer ce rôle, elle ne pouvait être allée à meilleure école.

La Salle Pauline–Julien a atteint sa maturité, c’est un nouveau départ qu’elle vit maintenant à l’âge de 20 ans, son avenir est entre bonnes mains et elle vogue maintenant vers la quarantaine !

Alors ces cinq filles, de vraies fées : Pauline Marois, sa mère;

Louise Beaudoin, la visionnaire; Diane Perreault, son âme; Pauline Julien, l’esprit de la Salle et Annie Dorion, son avenir !

Ces cinq femmes et l’équipe du tonnerre entourant les deux directrices, avec leurs talents respectifs, leur détermination, leur conviction ont relevé le défi d’offrir depuis 20 ans dans l’Ouest-de-l’Île une maison dynamique de diffusion et d’animation de langue française et de culture québécoise sans oublier son ouverture à la création artistique de toutes origines. Il y a là un exemple, un modèle remarquable de ce que des femmes entrepreneures peuvent faire pour contribuer à l’avancement de la société.

Quelle belle histoire d’amour et de culture à raconter, n’est-ce pas, où les planètes se sont parfaitement alignées!

 

André Campagna

Directeur fondateur du Collège Gérald-Godin

Président fondateur de la Salle Pauline-Julien (1996-2001)

 

Salle Pauline-Julien à Montréal